Les Nizarites : la secte des tueurs
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Les Nizarites : la secte des tueurs
Nizarites : la secte des assassins était une tribu chiite de l’est de la Perse. Formé dès le VIIe siècle, il fonctionne tout au long du Moyen Âge, mais connaît son apogée à partir de 1094 lorsque le calife fatimide du Caire, Al-Mustansir bi-llah, meurt et qu’une guerre éclate entre ses deux fils, Nizar et Mustali, pour la succession. La secte se range du côté de Nizar, mais les partisans de Nizar sont vaincus en Egypte, d’où le terme de Nizarites après le schisme qui divise la secte en deux factions : l’une minoritaire, chiite, inspirée par le courant politique issu d’Ali, gendre de Mahomet, l’autre, ismaélite, qui se considère comme la seule véritable dépositaire des enseignements du prophète et vénère Ismaïl, théologien ayant vécu au VIIIe siècle, comme le septième prophète. Au sein des ismaélites, une secte intransigeante et fanatique se forma dont les membres, les “Fidawi”, étaient connus sous le nom d'”Assassins” sous la direction de Hasan ibn al-Sabbah dit “Sheikh-el-Jebel” (c’est-à-dire “vieillard de la montagne”). Fils d’un marchand persan, il eut une idée géniale pour la secte, celle de la doter d’abris absolument inviolables ; le plus célèbre est le Nid d’Aigle, à Alamuth, une petite ville perchée sur une montagne entre Téhéran et la mer Caspienne, absolument imprenable. La légende raconte que Hasan ibn al-Sabbah, un jeune homme déguisé en mendiant, se rendit auprès du roi pour lui demander l’autorisation d’acheter son château. Le roi répondit ironiquement par l’affirmative, car il ne croyait pas que le “mendiant” avait l’argent, mais une fois le déguisement enlevé, il devint le propriétaire à part entière de la forteresse. C’est à partir de là qu’il a commencé son travail de recrutement.
Ce n’était pas le seul refuge de la secte, il y en avait d’autres de même nature où ils formaient culturellement et “professionnellement” des assassins. Très vite, Hasan dispose d’un grand nombre de partisans qui lui sont totalement fidèles et qui sont dotés d’une férocité sans précédent. La renommée de la secte s’est immédiatement répandue dans tout le Moyen-Orient ; une série d’assassinats réussis a renforcé la terreur et le respect, ce qui a bientôt menacé les intérêts chrétiens en Terre sainte.
Les tentatives d’assaut de la principale place forte se soldèrent par des échecs ; il y eut notamment un calife qui renonça à toute ambition le jour où il trouva, sous son oreiller, un poignard de la secte, signe indubitable de la présence, au sein de sa cour, d’adeptes de la secte.
Le vieil homme et ses assassins ne doivent cependant pas être considérés comme de vulgaires tueurs à gages ; ils ont appris de nombreuses langues telles que le latin, le grec, le provençal, le sarrasin et bien d’autres encore, et, comme nous l’avons mentionné au début, la connotation religieuse était très forte, et a certainement été le moteur de leurs actions.
Le vieil homme de la montagne ne recherchait pas le succès personnel ou la richesse ; l’argent que la secte obtenait pour ses services, souvent sous forme de “pot-de-vin” pour éviter de plus gros ennuis, était utilisé par la secte pour l’endoctrinement et pour les dépenses liées à l’entretien de sa petite armée. Bientôt, le champ d’action s’élargit ; il est aux dépens, par exemple, de Conrad de Montferrat, roi de Jérusalem, qui est tué par deux assassins.
COUTUMES DE LA SECTE
Les costumes des tueurs décrits dans un livre rare qui a échappé à l’extermination témoignent de l’existence d’un culte et de hiérarchies parmi les tueurs. Les initiés ne pouvaient gravir l’échelle hiérarchique que par la formation et l’étude assidue des Shuras mahométanes, extrêmes comme il se doit par Hasan. La hiérarchie se compose de la manière suivante : au rang le plus bas se trouvent les fidèles, à qui l’on confie les missions les plus dangereuses et les plus téméraires, et qui, sous l’emprise de stupéfiants, obéissent aveuglément aux ordres en se lançant dans les exploits les plus audacieux, qu’ils accomplissent dans des lieux bondés ou en public, jusqu’au sacrifice extrême de leur propre vie. Puis les Laïcs, les Compagnons et enfin les Maîtres (Jeunes et Anciens) proches collaborateurs du seul Maître Suprême. La robe d’un assassin était blanche et rouge, le blanc symbolisant la pureté et le rouge le sang. Les couleurs symbolisent le courage (blanc) et l’invincibilité (rouge). Bien qu’il s’agisse de musulmans, leur doctrine présente des variations considérables : les recrues pouvaient manger du porc (un aliment interdit à tout musulman), elles pratiquaient également des orgies incestueuses et perverses, où la présence des mères et des sœurs était une norme.
La meilleure description des pratiques de cette secte nous est peut-être donnée par Marco Polo dans son journal en ces termes :
“Lo Veglio (…) avait fait entre deux montagnes, dans une vallée, le plus beau jardin et le plus grand du monde ; il avait ici tous les fruits et les plus beaux palais du monde, tous peints en or, avec des bêtes et des oiseaux. C’est là que l’on menait : pour tel on avait de l’eau, et pour tel du vin. Il y avait là des hommes et des femmes, les plus beaux du monde, qui savaient le mieux chanter, jouer et danser, et il leur faisait croire que c’était le paradis. Il le fit parce que Mahomet avait dit que celui qui irait au paradis aurait autant de belles femmes qu’il le voudrait, et qu’il y trouverait des fleuves de lait, de miel et de vin ; il le rendit donc semblable à ce que Mahomet avait dit. Les Sarrasins de cette région crurent sincèrement que c’était là le paradis ; et dans ce jardin n’entrait que celui qui voulait être un meurtrier.
“A l’entrée du jardin, il avait un château si fort qu’aucun homme au monde ne le craignait. Veglio gardait à sa cour tous les jeunes gens de douze ans qui lui semblaient devoir devenir des hommes courageux. Lorsque Veglio en faisait mettre quatre, dix ou vingt dans le jardin, il leur faisait boire de l’opium, et ils dormaient bien pendant trois jours ; puis il les faisait conduire dans le jardin, et à l’heure dite il les faisait réveiller. Quand les jeunes gens se réveillaient, il était là et ils voyaient toutes ces choses, et ils se croyaient vraiment au paradis. Et ces jeunes filles restaient toujours avec eux dans les chants et les grandes réjouissances ; ils en tiraient tout ce qu’ils voulaient, et ils ne quittaient jamais ce jardin. Veglio tient une belle et riche cour, et fait croire aux habitants de cette montagne que tout est comme je vous l’ai dit. Lorsqu’il veut envoyer quelque part l’un de ces jeunes gens, il lui fait donner à boire pendant son sommeil, et le fait sortir du jardin pour l’emmener dans son palais. Lorsqu’ils se réveillent et qu’ils se trouvent là, ils sont très étonnés et très attristés de se trouver hors du paradis. Ils se rendent soudain devant le Veilleur, croyant qu’il est un grand prophète, et s’agenouillent. Il leur demande : “D’où viens-tu ?”. Ils répondent : “Du paradis”, et leur racontent ce qu’ils y ont vu, et ils ont un grand désir d’y retourner. Et quand le Sage veut faire tuer quelqu’un, il fait tourner celui qui est le plus vigoureux et lui fait tuer qui il veut ; et ceux qui le font de bon gré, pour retourner au paradis. (…) De cette façon, aucun homme ne vit devant le Sage de la Montagne, à qui il veut le faire ; et c’est pourquoi je vous dis que beaucoup de rois lui rendent hommage pour cette crainte.
Leur action ne manquait pas non plus d’un certain caractère rituel, puisque toutes leurs victimes périssaient à l’arme blanche, sans qu’aucun poison ou arme à distance n’ait été utilisé. Le meurtre était donc aussi connoté comme un acte sacrificiel. Les anciens cultes de la mort ont ainsi trouvé une nouvelle vie dans l’Islam, et le meurtre est devenu non seulement un acte de dévotion, mais une action sacrée, capable de sanctifier ceux qui ont souillé leurs mains. Le chroniqueur Guillaume de Tyr raconte :“Immédiatement, celui qui a reçu l’ordre de mission commence sa mission sans penser aux conséquences qui peuvent en découler et sans préparer d’échappatoire. Pour les partisans, l’impunité n’a aucun sens. Une fois capturés, ils enduraient n’importe quel châtiment, convaincus de la nature héroïque de leur martyre. Sous le commandement de Hassan ben Sabbah, les listes ismaélites rappellent une cinquantaine d’assassinats, visant à cibler des opposants de haut rang et à créer un climat de terreur. Personne, aussi bien protégé et replié sur lui-même soit-il, ne semble à l’abri de leurs coups, la détermination et la capacité à se dissimuler permettant aux assassins de s’approcher de n’importe quelle cible. L’atmosphère créée par ces actes de violence répétés est bien décrite par un chroniqueur arabe : “Aucun commandant ou fonctionnaire n’osait quitter sa maison sans une escorte. Sous leurs vêtements, ils portaient une armure et le vizir une cotte de mailles. De peur d’être attaqués, les hauts fonctionnaires du sultan demandaient la permission de porter des armes en sa présence et il la leur accordait”.
L’HISTOIRE
En 1090, Hasan établit son quartier général et sa résidence au Khorasan dans la citadelle imprenable d’AlamutH en Perse, le Nid d’Aigle, à 1800 mètres d’altitude. Le premier à être assassiné est le grand vizir Nizam al-Mulk en 1092, dont les talents de stratège et d’homme d’État avaient été importants pour la dynastie seldjoukide en Iran. Les Seldjoukides tentent à plusieurs reprises de soumettre Hasan, mais sans succès. Il était un véritable électron libre dans le monde musulman.
Par la suite, certaines sectes d’Assassins s’installèrent en Syrie, également soutenues par Ridwan d’Alep qui, peut-être parce qu’il s’était converti à ces doctrines ou parce qu’il avait peu de sympathie pour ses cousins seldjoukides, lui avait accordé protection et soutien ; le chef s’appelait Abu Tashir et était un orfèvre syrien qui exerçait une influence sur Ridwan.
Tancrède d’Antioche, fasciné par les doctrines ou par son amitié avec Ridwan, se rapproche de la secte.
En 1103, leur première incursion en Syrie se solde par l’assassinat de l’émir de Homs, Janah ed-Daula. En 1106, ils massacrent l’émir d’Apamée, Khalaf ibn Mulaib, mais seuls les Francs d’Antioche peuvent bénéficier de cette mort. Plus tard, le chef de l’armée à Alep tombe lui aussi sous le poignard des Assassins.
En 1124, Hasan meurt, ses successeurs maintiennent la politique du premier maître suprême, jusqu’à Hasan II qui, en 1165, décide de répudier l’islam et de créer une nouvelle religion au seul profit des Assassins. Ce fut un cataclysme.
Hasan II est tué dans un complot et le groupe se divise en deux groupes, les Assassins perses et les Assassins syriens, ces derniers étant dirigés par Sinan ibn Salman ibn Muhammad, un homme brillant mais perfide qui avait deux adversaires aussi rusés l’un que l’autre : les Croisés et Saladin.
On dit que Saladin était lui aussi terrifié par le pouvoir politique et la facilité de tuer n’importe qui, comme en témoignent ces mots rapportés par un chroniqueur musulman :
“Mon frère (…) m’a raconté que Sinan avait envoyé un messager à Saladin (…), lui ordonnant de lui remettre un message en privé. Le Saladin le fit fouiller et, lorsqu’il fut sûr qu’il ne représentait aucun danger, il congédia les personnes présentes en n’en laissant que quelques-unes et lui demanda de lui remettre le message. Mais il lui dit : “Mon maître m’a ordonné de ne pas te le remettre (sauf en privé)”.. Saladin renvoie alors tous les mamelouks (esclaves non musulmans, notamment des Ouzbeks, des Turkmènes, des Kazakhs, etc., principalement employés dans l’armée) à l’exception de deux d’entre eux, et déclare : “Le Saladin dit alors :“Ces deux-là ne me quitteront pas. Si tu veux, donne-moi ton message, sinon va-t’en“. Il a ajouté : “Pourquoi n’avez-vous pas repoussé ces deux-là comme vous avez repoussé les autres ?” Le Saladin a répondu : “Je les considère comme mes enfants, eux et moi ne faisons qu’un. Le messager se tourna alors vers les deux mamelouks et leur dit : “Si je t’ordonnais au nom de mon seigneur de tuer ce sultan, le ferais-tu ?” Ils répondirent par l’affirmative et tirèrent leurs épées en disant: “Ordonnez ce que vous voulez. Le sultan Saladin (…) se tait et le messager s’en va, emmenant les deux hommes avec lui.
Après ces événements, précise le chroniqueur, Saladin décide de conclure la paix avec les Assassins, mais la secte va bientôt trouver de nouveaux antagonistes : en 1152, en effet, un chef franc, le comte Raymond II de Tripoli, tombe sous leurs coups. Il est la première victime chrétienne dont les Ismaélites se souviennent.
L’acte le plus marquant contre les Occidentaux sera cependant l’assassinat de Conrad de Montferrat, roi de Jérusalem. Après la chute de la ville sainte aux mains de Saladin, le prince italien, qui venait d’arriver en Palestine, a pu organiser héroïquement la défense de Tyr et s’est vu attribuer la couronne du royaume. Un soir, alors qu’il rentre au palais royal, il est abordé par deux hommes et, tandis que l’un fait mine de lui remettre une lettre, le second le poignarde. Les assassins étaient connus à la cour et avaient auparavant fait semblant de se convertir au christianisme. Immédiatement capturés, ils prétendent avoir agi sur ordre de Richard Ier Cœur de Lion, roi d’Angleterre et alors en Terre sainte en tant que croisé. En effet, il y avait eu de nombreux désaccords sérieux entre Conrad et le Plantagenêt sur la conduite de la croisade, mais il semble que le Vieux de la Montagne ait agi dans ce cas pour éliminer un ennemi dangereux, et qu’il ait également réussi à semer la discorde dans le camp chrétien. Il n’en reste pas moins que les Assassins ont encore frappé avec sagacité et témérité, tuant le souverain de Jérusalem lui-même.
Tuer Conrad était en fait le dernier geste de Sinan : le terrible vieillard allait bientôt mourir, mais son héritage ne serait pas perdu. En fait, les meurtres se sont poursuivis et ce sont surtout les chrétiens qui sont tombés. Raymond, fils de Bohémond IV d’Antioche, est attaqué dans une église de Tortosa et le chroniqueur Joinville raconte même que des émissaires de la secte demandent à Louis IX le Saint, roi de France et deux fois croisé, un tribut qu’ils payaient déjà “L’empereur d’Allemagne, le roi de Hongrie, le sultan de Babylone et d’autres encore, parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent vivre que le temps qu’il (leur chef) veut bien leur accorder”.
Au cours du XIIIe siècle, cependant, le pouvoir de la secte en Syrie décline lentement et le coup de grâce lui sera donné par l’invasion mongole et l’assaut du sultan mamelouk d’Égypte Baybars. Certaines sources affirment qu’il ferait appel à leurs services. La tentative d’assassinat d’Édouard d’Angleterre et le meurtre de Philippe de Monfort à Tyr en 1270 auraient été exécutés à sa demande. En effet, on ne peut pas affirmer avec certitude que des assassinats ont été perpétrés par les Assassins durant cette période. Finalement, au cours du siècle suivant, l’ismaélisme perdra la plupart de ses adeptes et son influence politique deviendra presque insignifiante. Cependant, dans l’histoire, les Assassins ont laissé une longue traînée de sang en souvenir de leur foi, tandis que leur nom reste inextricablement lié au plus vieux crime jamais commis par l’homme.
RELATIONS ENTRE LES ASSASSINS ET LES TEMPLIERS
Les relations entre ces deux factions sont documentées dans trois lettres de Roncelin de Fos (Maître de Provence entre 1248-1250, Maître d’Angleterre (1251-1253), et Maître de Provence à nouveau (1260-1278)) à Richard de Vichiers :
“Mon cher frère en Christ, ici à Acre, je peux vous écrire aujourd’hui pour vous dire le succès de la mission que vous m’avez confiée le jour de la naissance de Notre Seigneur en l’an 1243 lorsque le diacre des Bons Hommes (Cathares), Pierre Bonnet, est venu dans notre Maison et nous a demandé de l’aide pour protéger leur Trésor. Vous m’avez confié la tâche d’accompagner et d’escorter les bonnes dames et leur relique jusqu’à notre temple et de la remettre secrètement à votre frère. Je suis parti le soir même de notre maison de Pieusse et j’ai été guidé par le Bonhomme Bonnet jusqu’à la grotte fortifiée de Niaux, où, protégé par un Bonhomme, j’ai trouvé sept Bonnes Dames. La nuit même, nous nous séparâmes : tandis que les deux Bons Frères continuaient leur route pour cacher le reste de leur trésor, les dames voyageaient, protégées par moi, dans un chariot avec la relique de Joseph. Suivant votre suggestion, afin de confondre d’éventuels poursuivants, nous ne nous sommes pas dirigés vers nos ports méditerranéens mais sommes allés jusqu’à La Rochelle où nous avons embarqué pour Bari ; en effet, j’ai pensé qu’il était plus prudent de débarquer en Terre Sainte en venant de la Sicile et non de la France. Quelques mois plus tard, malgré la tragique nouvelle de la chute de Jérusalem, nous décidons d’embarquer à Bari pour la Terre Sainte, mais en débarquant à Acre, nous apprenons la tragédie : un mois plus tôt, les forces chrétiennes avaient été massacrées à La Forbie, où notre Grand Maître Armand, que Dieu ait son âme, a également péri ; l’espoir de récupérer Jérusalem était perdu. Heureusement, j’ai encore suivi ton conseil : au lieu de m’adresser au Grand Maître, je me suis adressé directement à ton frère Renaud et celui-ci, quand il a su de quoi il s’agissait, m’a fait jurer de ne pas en parler au nouveau Grand Maître, Richard de Bures, ami très proche (et selon ton frère, homme de main) du Seigneur de Tyr, Philippe Montfort, neveu de ce Simon qui se bat contre les Bonshommes. La croisade contre le comte de Toulouse, m’a expliqué votre frère, a été déclenchée par des forces maléfiques afin de s’emparer de la Relique de Joseph, et votre frère soupçonne même que la nomination du Grand Maître a été favorisée par ces forces afin de récupérer d’autres reliques du comte de Toulouse. objets puissants que nous, Templiers, protégeons, gardons et cachons des ennemis afin qu’ils ne soient pas révélés avant l’heure. Votre frère s’est plutôt tourné vers un autre frère, Guillaume de Sonnac, en qui il avait une confiance absolue ; la situation épouvantable dans laquelle se trouvent aujourd’hui les chrétiens sous les attaques de Satan est démontrée par le fait que votre frère a décidé, avec l’aval de Guillaume, de demander de l’aide aux infidèles, les disciples du Sage de la Montagne. Pour calmer mes scrupules sur cette alliance avec les ennemis, non seulement il me convainquit que le Sage nous était plus ami que Montfort, mais il me montra un document extraordinaire : notre fondateur y raconte qu’à sa mort, le Sage de la Montagne lui avait envoyé un sceau d’argent. grand pouvoir magique lui demandant de le cacher et de le protéger des adeptes de Satan ; perplexe, notre fondateur était parti en France pour le remettre au saint homme qui avait rédigé notre règle. Mais le saint abbé a eu des mots d’honneur pour le Sage et a ordonné à notre fondateur de garder cet objet. Sachez que le sceau et l’acte de décès de notre Grand Maître Armand, Dieu ait son âme, ont été cachés par votre frère et Guillaume qui craignent les complots de Montfort. Les intrigues de Satan sont telles que pour se défendre, il faut être prudents comme des serpents”. Les disciples du Sage de la Montagne, contactés par votre frère, l’ont accompagné, moi-même et les sept Bonnes Dames, dans la Vallée de Moïse. J’y ai vu une merveille qui m’a laissé pantois : une montagne dans laquelle des temples, des palais, des églises et des tombeaux ont été sculptés et creusés. Là, les disciples du Sage nous ont guidés vers un autel taillé dans le flanc de la montagne au sommet duquel était gravé un symbole que je vais vous dessiner : (Le dessin est celui du symbole de l’infini ; chacun des deux cercles contient le symbole d’un huit ; chacun des quatre cercles du huit contient un point épais). Les disciples du Sage nous ont montré comment ouvrir l’autel : un médaillon de forme curieuse doit être introduit simultanément dans chacun des quatre trous situés au centre des cercles. Elles ont ensuite remis une de ces clés à chacune des sept bonnes dames qui ont déposé la relique de Joseph dans le tombeau. Que Dieu veuille qu’elle reste à jamais cachée et protégée des attaques de Satan jusqu’à l’heure fixée pour sa révélation, malgré une éventuelle menace. L’une des sept bonnes dames a en effet été capturée par le seigneur de Tyr et torturée à mort, que Dieu ait pitié de son âme. Le seigneur est donc entré en possession d’une des clés et il est conscient du rôle que votre frère, moi-même et les disciples du Sage avons joué pour lui faire perdre à jamais la relique pour laquelle sa famille a versé tant de sang innocent”..
Deuxième lettre :
“Mon cher frère en Christ, je dois vous écrire une nouvelle douloureuse et déchirante. Peut-être la nouvelle de la mort tragique de votre frère, Dieu ait son âme, vous est-elle déjà parvenue, accompagnée de commentaires malveillants. Sachez que votre frère est à l’abri des taches dont on l’accuse : son seul tort est d’avoir suivi la tâche que nous a confiée le saint homme Bernard, qui a écrit notre règle et nous a enjoint de protéger, de garder et de cacher les ennemis de Dieu et les serviteurs de Satan. des objets puissants qui ne doivent pas être révélés avant le moment prévu. Lorsque le roi Louis débarque à Chypre, il y a immédiatement des conflits dans la gestion des opérations entre le roi qui veut agir immédiatement et les nobles locaux (dont notre Grand Maître Guilleume) qui suggèrent la prudence. L’affrontement se durcit lorsque le roi ordonne au Grand Maître de cesser les négociations avec le sultan de Damas. La campagne du roi en Égypte fut une folie militaire qui entraîna la mort de notre Grand Maître Guilleume, Dieu ait son âme, et se termina par la capture du roi. Après avoir libéré le roi et être rentré à Acre, Louis, à l’instigation de Philippe Montfort, exige que le maréchal du Temple, Hugues de Jouy, qui a négocié avec le sultan sur l’ordre du grand maître Guilleume, soit destitué et banni de Terre Sainte. Votre frère a été contraint de céder et Hugh est devenu enseignant en Catalogne. Lorsque le roi quitta Acre et retourna (enfin !) en France, Philippe Montfort frappa à nouveau : ses partisans au sein du chapitre, au cours d’une délibération secrète, déposèrent votre frère. Deux jours plus tard, votre frère a été retrouvé assassiné. Je n’ai aucun doute sur l’identité de celui qui a fait bouger la main des tueurs à gages. Tout comme je n’ai aucun doute sur ceux qui ont répandu des rumeurs sur les relations entre votre frère et les musulmans. Il est vrai que votre frère a toujours été étroitement associé aux disciples du Sage de la Montagne, mais moi, qui ai été son ami et son serviteur, je vous jure que son but était de défendre la Terre Sainte et de suivre la mission secrète que nous avait confiée le saint homme Bernard. Et sachez que votre frère m’a appris que nous, les bons et les sages de la montagne, avons toujours été alliés dans cette tâche sacrée. Sache donc que ton frère est mort pour accomplir notre tâche secrète et qu’il a été tué par l’homme de la lignée que Satan a engendrée sur terre pour récupérer les objets de pouvoir qui ne doivent pas être révélés avant le temps fixé.
Troisième lettre :
“Mon cher frère en Christ, je crois qu’il est de mon devoir de te faire savoir que ton frère a été vengé. Il y a quelques jours, un adepte du sage de la montagne, se faisant passer pour un converti au christianisme, est entré dans la chapelle où priaient Philippe de Tyr et son fils Jean et les a poignardés tous les deux. Jean survécut tandis que l’âme de Philippe rejoignit son souverain Satan. On dit ici que la main a été brandie par le sultan d’Égypte, mais je crois que le Sage a voulu venger son frère et protéger davantage le secret de la relique de Joseph”.
Article source :
Ordre des lames de Scaliger